Retour sur l’Omnium britannique
24 JUL 2018
Par Peter Mumford
Les championnats majeurs sont-ils plus captivants quand on y assiste à un duel classique entre deux splendides golfeurs comme Phil Mickelson et Henrik Stenson, ou plutôt quand il y a une catastrophe comme celle vécue par Jean Van de Velde il y a presque vingt ans?
Cette année, l’Omnium britannique nous a donné un peu des deux.
Même si l’on n’a vu aucun naufrage dramatique dans les eaux du Barry Burn, on a assisté à des effondrements et à des duels qui se sont tous joués durant la finale de dimanche.
Comme tout le monde le sait, maintenant, Francesco Molinari n’a essuyé aucun bogey dimanche, réussissant roulé après roulé pour jouer la normale. Il ne faisait pas la manchette, toutefois, tant qu’il était encore possible de l’ignorer.
Malgré ses deux victoires et deux deuxièmes places, en Europe et en Amérique, ces derniers mois, Molinari jouait encore à l’ombre des Jordan Spieth, un des trois meneurs de dimanche matin, Justin Rose et Rory McIlroy qui menaçaient à quelques coups de là, et surtout Tiger Woods, son partenaire de jeu dont le retour allait au-delà de toute attente, à tel point qu’il obtenait une couverture télé digne de son apogée il y a dix ans.
Molinari me rappelle un de ces personnages de Super Mario qui continue d’avancer sans relâche, peu importent les obstacles lancés sur son chemin. Déterminé, implacable, acharné, voilà autant d’attributs dont l’on pourrait qualifier l’Italien. Ça doit être très frustrant de jouer au golf contre lui. Il montre peu ses émotions, il ne cesse de caler ses coups roulés et d’éroder ses adversaires.
Quand il a calé son roulé pour l’oiselet au 18e trou pour quasiment sceller sa victoire, Molinari a allègrement pompé le poignet, comme pour marquer le point après une bonne ronde, pas comme Rory McIlroy avec sa petite danse à double-pompe lorsqu’il a réussi l’aigle au 14e.
Tiger a fait son possible et pour un instant, dimanche, il a tenu en solo la tête du tableau d’un tournoi majeur pour la première fois depuis 2011. Il ne fait aucun doute que Tiger peut encore gagner. So dos a l’air complètement rétabli et il cogne la balle aussi loin qu’avant. La seule chose qui lui manque encore, peut-être, est la confiance en soi.
Ça peut paraître étrange de dire que le Tigre manque de confiance, mais dimanche, sur les trous no 11 et 12, il semblait indécis et a joué ses coups sans faire preuve de l’agressivité à laquelle il nous a habitués. Ce qui a donné un double bogey et un bogey, et la fin des espoirs de victoire de Tiger.
Jusqu’à ce moment-là, cependant, Woods et Molinari n’avaient inscrit aucun bogey à leur carte et étaient engagés dans un duel classique tandis les meneurs reculaient peu à peu. Spieth n’avait à l’évidence plus sa touche magique et a raté plusieurs roulés courts, son tendon d’Achille cette année. Kavin Kisner, que l’on voit apparaître dans les pelotons de tête de tournois majeurs depuis quelque temps, a connu un départ de ronde finale difficile et ne s’en est jamais remis. Xander Schauffele paraissait le plus constant des trois meneurs, mais même lui n’a pas su garder sa place au sommet face à la pression de ce championnat majeur.
Tous trois amorçaient la journée avec une avance de trois coups et la victoire était à leur portée. Mais Carnoustie réclame toujours son dû. Pas nécessairement des effondrements majeurs comme on a vu certaines années, mais assurément des effondrements. Je vous soumets quelques-unes de mes réflexions sur ce 147e Omnium britannique:
Que dire d’Eddie Pepperell?
L’Anglais de 27 ans qui joue sur le Circuit européen a entamé sa ronde finale à huit coups des meneurs. Il a déclaré qu’il ne se croyait pas un instant capable de gagner. Il oubliait peut-être qu’en 1999, le vainqueur Paul Lawrie était revenu de l’arrière, à dix coups de retard, pour défaire finalement les meneurs Jean Van de Velde et Justin Leonard en prolongation; et que le champion de 2007 Padraig Harrington avait rattrapé ses six coups de retard sur Sergio Garcia pour remporter le trophée tant convoité. Carnoustie est notoire pour ses effondrements du dimanche et ses impressionnants retours de l’arrière en finale. Pepperell a peut-être vu les noms de Jordan Spieth, Rory McIlroy, Justin Rose, Tiger Woods et Tommy Fleetwood au-dessus de lui sur le tableau quand il l’a regardé samedi soir, et il s’est dit qu’il n’avait aucune chance. De plus, il venait juste d’inscrire un score de 71 en troisième ronde, alors que tout le monde avait fait de bons scores en cette journée où le terrain était plus souple. Donc, samedi soir, il s’est trop éclaté et le lendemain matin, il en a ressenti les effets.
«J’avais la gueule de bois, je l’avoue, j’ai trop bu hier soir, a admis Pepperell. On a bu du vin, mon entraîneur et moi. On a noyé notre peine pendant une demi-heure et on a eu de bonnes conversations avec des amis. J’étais tellement découragé, hier, qu’aujourd’hui je ne me sentais plus dans le tournoi. Et pourtant, j’ai joué 67… C’est un drôle de jeu.»
Drôle ? En effet.
Face à des meneurs comme Spieth, Kisner et Schauffele en train de reculer, et à un paquet de vedettes faisant du sur-place, le score de 67 de Pepperell lui donnait un cumulatif de moins 5 et une place de meneur en attendant la suite. Pendant près de deux heures, il a dû patienter, se détendre et se préparer à une éventuelle prolongation. On a vu des choses plus étranges à Carnoustie.
Mais le jeu en a décidé autrement. Justin Rose a affiché un moins 6, ce qui a dégagé Eddie Pepperell de toute obligation. Mais quelle belle histoire on aurait pu raconter!
Le retardataire
On a beaucoup parlé ces dernières années des diplômés du secondaire de la classe de 2011. Ce sont des gars comme Jordan Spieth, Justin Thomas, Daniel Berger, Patrick Rodgers, Emiliano Grillo et Ollie Schniederjans qui sont arrivés avec éclat sur le Circuit PGA TOUR il y a cinq ans. Ils ont accumulé les victoires et les titres majeurs, empochant des millions de dollars de gains en cours de route.
Xander Schauffele était aussi de cette classe de 2011, mais il a mis un peu plus de temps à atteindre le PGA TOUR. Tandis que ses confrères volaient la vedette aux stars du circuit et collectionnaient les trophées, Schauffele a poursuivi ses études universitaires et s’est perfectionné sur le Circuit Web.com. On n’a commencé à le remarquer que l’annnée dernière à Erin Hills, où il est devenu l’un des seuls dix golfeurs à avoir inscrit un score de moins 10 à l’Omnium des États-Unis.
Il n’a pas remporté ce championnat majeur, mais peu après, il a goûté à la victoire pour la première fois à la Classique Greenbrier, et plus tard la même année il a remporté le Championnat du Circuit, ce qui lui a valu d’être nommé Recrue de l’année du PGA TOUR.
Malgré ses succès, Schauffele attirait peu l’attention des preneurs aux livres pour l’Omnium britannique. Il était coté à 80 contre 1 et son nom n’avait jamais été mentionné à la télé, jusqu’à ce qu’il apparaisse au tableau de la troisième ronde. À vrai dire, ce gars-là est tellement sous le radar que samedi, on confondait encore son nom avec celui de Zander Lombard.
Ce dernier, un Sud-Africain de 23 ans, a joué l’aigle sur le 18e trou samedi. Quand on pense à toutes les difficultés qu’a causées le 18e de Carnoustie au fil des ans, un aigle semble la dernière chose possible. Mais Lombard a réussi l’exploit et pendant un moment, les équipes télé nageaient dans la confusion. Était-ce Xander ou Zander?
Schauffele a joué avec constance dimanche, mais quelques coups décalés lui ont coûté cher. Son score de 74 lui a donné l’égalité au second rang, sa meilleure clôture en tournoi majeur. Ce qui importe le plus, toutefois, est le fait qu’il a su attirer l’attention et mériter le respect. À tel point que l’analyste de NBC Johnny Miller a prédit qu’il pourrait bien être un favori au départ du Championnat de la PGA le mois prochain à Bellerive. Souhaitons qu’il ne reste plus, désormais, à l’arrière-plan de ses confrères de la classe de 2011.
Omnium des États-Unis contre Omnium britannique
Chaque fois que j’entends des gens débattre des mérites comparatifs des deux grands championnats, ça me rappelle ce vieil épisode de la série Seinfeld où Izzy Mandelbaum (incarné par le regretté Lloyd Bridges) lance un défi d’haltérophilie à Jerry parce que ce dernier avait donné en cadeau à son père un t-shirt affichant «Papa no 1». Le fils d’Izzy, lui, avait offert à son père un t-shirt où il était écrit «Meilleur papa du monde». S’en était ensuivi un débat orageux pour savoir ce qui était mieux, no 1 ou meilleur au monde…
Quand il est question des deux omniums, l’histoire a penché du côté du plus jeune, surtout parce que les Américains ne sont pas allés au Royaume-Uni pendant de longues années et on a eu l’impression que l’Omnium britannique souffrait de tableaux de compétition peu relevés. Ce n’est plus le cas, mais le parti-pris en faveur des États-unis persiste.
Les deux championnats nous ont offert leur lot de finales enlevantes au fil des ans, mais l’avantage à ce chapitre semble du côté des Britanniques: le duel Stenson-Mickelson en 2016, le suspense Spieth-Kuchar l’an passé. Cette année, les deux tournois ont donné lieu à des effondrements de meneurs – Dustin Johnson à Shinnecock Hills et le trio à Carnoustie – et les combats qui ont suivi ont été exceptionnels.
Pour ma part, toutefois, je préfère l’Omnium britannique. En plus de la diversité internationale des compétiteurs et des fabuleux parcours en bord de mer, il y a le R&A qui sait mieux que l’USGA comment bien mener un tournoi. Les sages Britanniques laissent les golfeurs jouer le terrain tel qu’ils le trouvent à leur arrivée. On établit la configuration du parcours et on s’ôte du chemin.
Ce n’est pas la manière de l’USGA et les trois dernières éditions de l’U.S. Open ont de ce fait entraîné la controverse. Les États-Uniens ont cette étrange fixation sur la normaleet tentent de provoquer une issue qui ne correspond pas toujours à l’état du terrain ou aux conditions météo.
Les Britanniques acceptent le fait que la météo entre en jeu, comme on l’a vu à Carnoustie. Le parcours se jouait différemment chaque jour du championnat. Rien n’a dérapé, aucun joueur ne s’est plain, aucune controverse ne s’est ensuivie.
L’USGA apprendra peut-être un jour à laisser les golfeurs jouer sans interférer. Pour l’instant, on peut dire que l’Omnium britannique a couronné Francesco Molinari «Champion golfeur de l’année». N’est-ce pas mieux que «Meilleur au monde» ou «no 1?
Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.