Qui est le plus déçu?
15 AUG 2018
Par Peter Mumford
En fin d’après-midi, dimanche, quand il est devenu évident que Brooks Koepka allait remporter cette 100e édition du Championnat de la PGA, une bande de golfeurs du PGA TOUR sont arrivés à la conclusion que leur saison 2018 était décevante.
Pas tous, cependant. Certains avaient remporté leur première victoire sur le circuit, d’autres avaient atteint des objectifs personnels, que ce soit aux gains ou au nombre de couperets évités, et d’autres encore s’assuraient de rester au jeu sur le circuit pour une autre saison – autant d’objectifs louables et d’accomplissements remarquables pour le commun des mortels.
Mais pour un cercle restreint de golfeurs d’élite, la seule vraie mesure du succès s’articule autour de quatre tournois par année, les majeurs. Les calendriers sont structurés à partir des majeurs. Les séances d’entraînement et de conditionnement physique sont conçues pour que le sommet de la forme soit atteint aux majeurs. Des héritages se bâtissent sur des victoires majeures.
La plupart des années, il y a quatre joyeux lurons qui qualifient leur saison de réussite. Mais en 2018, Koepka a raflé deux des quatre titres majeurs, ce qui laisse à Patrick Reed et Francesco Molinari la joie de compléter le trio de joueurs satisfaits. Les autres grands golfeurs du moment n’ont plus qu’à attendr5e le début de la prochaine saison…
Il y en a qui ont d’autres raisons d’être contents, même s’ils n’ont pas de titre majeur en poche. Tommy Fleetwood a réussi sa transition du Circuit européen à celui de la PGA, se rendant souvent jusqu’en finale. Il sera de la courte liste des favoris aux majeurs de l’an prochain. Tout comme Xander Schauffele et probablement Kevin Kisner, aussi. Bubba Watson a inscrit trois victoires cette saison, de même que Justin Thomas qui, même s’il s’attendait sans doute à remporter un tournoi majeur, vient de connaître deux saisons phénoménales. La déception n’est sûrement pas dans son registre d’émotions, en ce moment.
Mais qu’en est-il des autres golfeurs de haut vol? Certains sont fâchés, d’autres frustrés, et d’autres encore, simplement déroutés. Ils étaient tous donnés vainqueurs au début de chaque majeur et ont échoué. Ils peuvent encore remporter l’une ou l’autre des éliminatoires de la Coupe FedEx et même empocher ce boni de 10 millions de dollars pour la coupe, mais ça ne suffira pas à combler ce vide amer que laisse une victoire majeure échappée.
Voici les golfeurs les plus déçus de leur saison 2018:
No 7 Jason Day
Après une saison sans victoire en 2017, l’ancien no 1 mondial a amorcé cette saison de belle manière en remportant l’Omnium Farmer’s Insurance en janvier. Sa finale moyenne à É20 au Masters a été suivie par une autre victoire au Wells Fargo en mai, ce qui a placé Day dans la courte liste des favoris pour l’Omnium des États-Unis. Mais il a aussi quelques problèmes au jeu court et son échec au couperet à Shinnecock Hills, s’ajoutant à ses É17 et É19 aux deux derniers majeurs ont éliminé l’Australien du panthéon de la saison. Il n’y a pas de raison particulière à l’échec de Day en majeur – il est en bonne santé et possède encore l’un des meilleurs coups de départ de l’élite golfique –, ce qui me fait croire qu’il est sans doute plus fâché que désappointé. Day est aussi l’un des plus aptes à revenir de l’arrière et je le donne favori pour remporter au moins un tournoi majeur en 2019.
No 6 Rickie Fowler
La grande énigme. Il ne fait aucun doute que Fowler a tout le talent qu’il faut pour gagner. Je ne vois aucune faiblesse dans son jeu. À Augusta, le dimanche, il a mené une charge tambour battant pour terminer deuxième. À Bellerive, il a débuté sa ronde finale dans le peloton des aspirants, mais n’a pas su en profiter. Il semble capable de jouer brillamment quand ça ne compte pas trop ou quand il ne ressent aucune pression, mais incapable de bien faire quand ça commence à chauffer. Un golfeur du calibre de Fowler devrait avoir davantage que quatre victoires sur le PGA TOUR, mais je crois qu’il est trop gentil. Il lui faudrait un peu de cet instinct de tueur que possède Patrick Reed. Il est probablement ébranlé par sa performance de 2018, mais c’est un thème récurrent de sa carrière. S’il n’arrive pas à ajuster son attitude, je le vois faire la même chose l’an prochain.
No 5 Jon Rahm
Par moments, Jon Rahm pourrait se voir décerner la triple médaille du plus fâché, plus frustré et plus dérouté, car personne ne joue avec autant d’émotivité que cet Espagnol de 23 ans. Ça pourrait jouer contre lui, même si cela a marché pour son idole Seve Ballesteros, et de toute façon, on dirait que c’est dans son sang. Rahn a inscrit des victoires à ses deux premières saisons sur le Circuit de la PGA et s’est rapidement hissé dans le top 10. On attend de grandes choses de sa part, éventuellement, car il est encore bien jeune et inexpérimenté. Il a raté le couperet aux deux grands omniums et terminé quatrième à Augusta et Bellerive. Lui-même s’estime prêt à remporter un tournoi majeur, et il n’est pas le seul de cet avis, ce qui explique peut-être pourquoi il est le plus frustré des golfeurs de l’élite mondiale. Il veut gagner MAINTENANT! Je pense que ça va arriver la saison prochaine et encore les années suivantes. Il est très bon, et très affamé!
No 4 Jordan Spieth
Jordan Spieth a démontré en 2015 qu’il maîtrise tous les outils pour remporter une victoire majeure, et il en a encore fait la preuve l’année dernière. Les statistiques font de lui l’un des meilleurs du circuit aux coups roulés de moyenne à longue distance, mais inexplicablement, il peine aux roulés courts. Il est généralement capable de se remettre de ses occasionnels coups de départ ratés – rappelez-vous le 12e trou du Royal Birkdale l’an passé. Malgré son horrible échec au couperet de l’US Open, avec des scores astronomiques, il a terminé 3e, É9 et É12 aux trois autres majeurs. Il se dit très près d’en gagner un. Peut-être. Mais je suis sceptique. Il a raté une belle chance de victoire à Carnoustie à cause de son bois de départ et de son fer droit. Quand on voit la manière qu’a Brooks Koepka de disséquer un parcours et de se rétablir de toute situation fâcheuse, on se dit que Spieth a encore des croûtes à manger pour atteindre ce niveau. Pas qu’il soit obligé de dompter le parcours comme Koepka, mais il ne peut compter, non plus, sur sa façon de se démener pour capturer un titre majeur. Pas quand il y a des requins aux yeux d’acier qui le guettent au passage.
No 3 Rory McIlroy
L’an 2018 était censé être l’année McIlroy. Tous ses malaises étaient derrière lui, il était heureux dans sa vie personnelle et ses problèmes d’affaires étaient résolus. Sa victoire à l’Arnold Palmer Invitational en mars laissait présager une excellente saison à venir. Son É5 au Tournoi des Maîtres était quelque peu décevant, son couperet raté à l’Omnium des États-Unis, à oublier, mais quand il s’est rangé dans le peloton de tête à Carnoustie après la chute des géants, tous les espoirs étaient permis. Puis, il a oublié comment jouer sur les verts. Ce n’était pas la première fois. Rares sont les golfeurs du calibre de Rory aux coups de départ, mais son talon d’Achille a toujours été son fer droit. Son habitude de se rendre en finale pour redescendre au tableau presque chaque fois doit lui peser lourdement. Sa saison 2018 a été désolante. Mais c’est trompeur, aussi: McIlroy pourrait très bien remporter tous les tournois majeurs de la saison prochaine, ou aucun. C’est selon moi le gars le plus difficile à handicaper parce qu’on ne sait jamais quand son fer droit va le lâcher.
No 2 Dustin Johnson
DJ est classé no 1 mondial depuis 74 semaines. Il détient le record du nombre de saisons actives de suite sur le PGA TOUR avec au moins une victoire à chacune des 11 dernières. Chaque fois qu’il prend le départ à un majeur, on s’attend à le voir gagner. En 2017, il était donné gagnant du Masters à l’avance, après trois victoires en début de saison. Mais il est tombé dans l’escalier de sa maison de location à Augusta. Il a quand même remporté l’US Open, son premier et unique titre majeur, et la saison 2017 s’est avérée excellente, tout compte fait. Il a récolté trois autres victoires cette année et a pris la tête des 54 premiers trous à Shinnecock Hills, mais n’a pas réussi à sceller son gain. Bon, aucun majeur cette année, mais DJ est un des joueurs du circuit les plus difficiles à déchiffrer. On croirait qu’il est déçu, mais il laisse rarement ses émotions paraître. À se demander s’il a un pouls. Je prédis que Johnson va remporter un majeur en 2019 et ponctuer sa carrière de membre du Temple de la renommée du golf mondial par un point d’exclamation. Grand ami de Koepka, il sera peut-être stimulé par les succès de celui-ci.
No 1 Justin Rose
JR a inscrit les meilleurs scores de tous les joueurs du circuit pour se qualifier aux quatre tournois majeurs cette année. À la fin de 2017, il était le golfeur le plus fougueux du monde, avec des victoires notables au Championnat WGC HSBC et à l’Omnium Turkish Airlines. Il se voyait au sommet en 2018, mais ça n’est pas arrivé. Qu’est-ce qui n’a pas marché pour le médaillé d’or olympique? Rien, apparemment. Et à l’entendre lui-même le dire, c’est ça qui est le plus frustrant. Tous les éléments de son jeu fonctionnaient comme prévu, il a atteint la finale des trois premiers majeurs et il a bien joué. À Carnoustie, il détenait même la tête pendant un moment, mais le sort en a voulu autrement. On ne peut être vraiment frustré quand on a tout fait comme il faut. On ne peut pas se fâcher, non plus. On ne peut être que désappointé. Voilà pourquoi Rose est mon quatrième choix pour la bande de ceux qui rebondiront avec une victoire majeure en 2019.
Bien sûr, tout ce qui précède s’appuie sur l’hypothèse que ces joueurs resteront en bonne santé. Et puis, il y a une carte frimée dans le jeu: Tiger Woodds ne peut être déçu de sa saison 2018, au contraire, et il pourrait fort bien être celui qui changera la donne en 2019 et rendra toute prédiction caduque.
Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.