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Le Match aura-t-il un lendemain?

29 NOV 2018

Par Peter Mumford

Le Match Tiger Woods-Phil Mickelson, qui était censé être Le Match du Siècle, s’est avéré à tous égards un échec total.

Même au guichet de la télédiffusion à la carte, on a échoué: pour cause de pépin technique, la plupart des gens ont pu voir le duel gratuitement. 

Charles Barkley, un des sept analystes appelés à commenter l’évènement, a résumé la chose en termes colorés: «Vous savez, Amérique, ça, c’est du golf merdique.»

Outre leur jeu à peine passable, les deux antagonistes n’ont rien fait pour mettre un peu de vie dans l’affrontement. On annonçait que ça allait être un duel épique entre deux vieux ennemis se provoquant et s’engueulant sans relâche alors qu’ils accumuleraient fièrement les oiselets pour remporter la victoire assortie d’une bourse de 9 millions de dollars US. 

Ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça. Mickelson a gagné, en grande partie à cause des mauvais bogeys du Tigre, après qu’on eut réduit de moitié le match réglementaire pour offrir une des prolongations les plus pathétiques qui soient – un coup de 93 verges à partir d’un tertre improvisé sur le vert d’exercice, par-dessus un ruisseau, jusqu’au 18e vert. Et sous les projecteurs, en plus, parce que, selon le porte-parole que vous préférez croire, a) il fallait montrer qu’il est possible de jouer sous éclairage pour les diffusions à l’heure de grande écoute, ou b) les génies qui ont organisé le fiasco ne savaient pas à quelle heure le soleil allait se coucher.    

La goutte qui a fait déborder le vase était sans doute la volonté de faire de cet évènement un test de la légalisation des paris au golf professionnel. Une décision rendue plus tôt cette année par la Cour suprême des États-Unis permet aux États de tenir des paris sur les sports professionnels et l’on s’attendait à ce que le Match mette en lumière les différentes possibilités que cela offre. C’est ainsi que Woods et Mickelson avaient le droit de faire des paris sur le terrain, avec recettes versées à des œuvres caritatives. Résultat: seulement cinq paris totalisant 800 000$. Ça n’est certes pas négligeable si vous êtes l’organisme récipiendaire de cette «générosité», mais c’est rien comparé aux millions annoncés en prévision du grand jour.

Le PGA TOUR aimerait bien développer une source supplémentaire de revenus du côté des paris légaux. Le circuit présente la chose comme une façon d’amener le golf chez un auditoire étranger au golf (les parieurs), mais c’est plutôt un moyen de faire beaucoup d’argent sans efforts.

Personne, cependant, ne semble comprendre comment. Si le Match devient une sorte de téléréalité présentant des séries de duels, il serait possible de parier sur la victoire et sur presque tous les éléments du jeu. Ceci parce qu’avec seulement deux golfeurs, ou deux équipes, qui s’affrontent, les téléspectateurs peuvent voir chaque coup et placer leurs mises en conséquence. Ce qui est impossible quand on a un tableau de 144 joueurs sur un terrain où les caméras ne peuvent montrer qu’une fraction de l’action. 

Par contre, comme aux courses équestres, chaque joueur a sa propre histoire et chaque parcours ses favoris. Avec toutes ces statistiques accessibles sur chacun et le nombre incalculable de petits paris latéraux qu’on pourrait organiser, tous les tournois du Circuit de la PGA offrent d’innombrables occasions de parier, au-delà des simples choix de vainqueurs.

Ainsi, par exemple, on pourrait miser sur le nombre de verts atteints en coups réglementaires, le nombre de coups roulés par ronde, d’oiselets, de normales et de bogeys, etc. à l’infini. Quand on multiplie ça par 144 golfeurs pendant deux jours, puis par 70 et plus pour deux autres jours, lors de plus de 40 tournois sur des terrains différents tout au long de la saison, voilà le rêve de tout preneur aux livres qui se réalise: une profusion quasi illimitée de possibilités de parier à faire miroiter devant un nombre astronomique de golfeurs et de parieurs, dont bon nombre se croient connaisseurs du golf.

Comme le disait P.T. Barnum: «Il y a un naïf qui nait à chaque minute.»

Le Commissaire du PGA TOUR Jay Monahan a sans doute déjà fait ses calculs et quand sa calculatrice a manqué d’espace pour aligner les zéros, il a compris qu’il avait un bon filon. Même avec une commission d’aussi peu que 1%, le circuit engrangerait des millions de dollars.

Mais il y a un envers à cette médaille: l’American Gaming Association estime à 95 milliards de dollars la somme des paris misés sur le football chaque année, et 98% de ces dollars passent par des voies illégales. Si le golf adopte le même modèle, le Commissaire Monahan devrait s’en préoccuper. Ça ne prendrait que deux ou trois golfeurs professionnels de bas étage, désireux de se faire un peu d’argent de poche en ratant un roulé de deux pieds par-ci, par-là, pour détruire l’image de probité irréprochable que le Circuit de la PGA s’est bâtie au fil des 50 dernières années.

Le fameux Match du Thanksgiving n’a pas, et de loin, mis en lumière toutes les possibilités de paris qui pourraient séduire un gros segment de population, tant chez les golfeurs que chez les joueurs compulsifs. En réalité, le duel Woods-Mickelson n’a épaté personne, mais ces 9 millions de dollars empilés sur le vert pourraient être un signe des temps, avec plus de paillettes, de glamour et de téléréalité que ce dont notre vénérable sport de gentlemen a l’habitude.

Je ne suis pas certain d’être en accord avec cette direction que semble prendre le golf professionnel, mais ça m’intrigue quand même.

Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.