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Tigermanie 2.0

20 MAR 2018

Par Peter Mumford

 

Si vous avez des doutes quant au retour de la Tigermanie, voici quelques faits qui devraient vous rassurer: depuis janvier, Dustin Johnson, Jon Rahm, Jason Day, Bubba Watson, Justin Thomas, Phil Mickelson et Rory McIlroy ont tous connu la victoire sur le PGA TOUR. C’est une bonne histoire, dans le monde du golf professionnel. Mais à chaque fois qu’on en parle, on se fait répondre «Oui, mais…», comme dans «Oui, mais Tiger a terminé É12.» Ou «Ou, mais Tiger aurait dû le remporter, celui-là.»

 

Le Tigre a joué 68 jeudi en ronde d’ouverture de l’Arnold Palmer Invitational et s’est ainsi retrouvé sur la première page du tableau. Vendredi, quand j’ai consulté le site Web de Golf.com, sur les 11 articles de la première section, il y en avait 6 qui traitaient de Woods et un seul au sujet du meneur Henrik Stenson.

 

Il y avait par exemple cette manchette: «Retour sur chaque coup de Tiger en première ronde à Bay Hill.» Chaque coup? Je suis sûr qu’ils n’ont pas fait ça après la victoire de Dustin Johnson à l’U.S. Open. Franchement… et on n’était encore qu’à la première ronde du tournoi chez le regretté Arnold.

 

Tiger Woods na participé qu’à cinq compétitions depuis son retour, terminant É23, MC, 12e, É2 et É5. Il est maintenant classé 105e au monde et 35e aux points pour la Coupe FedEx. Et devinez qui est le favori pour remporter le Tournoi des Maîtres dans moins de trois semaines?

 

Difficile à dire? Eh bien, Tiger est coté à 8 contre 1 pour enfiler le fameux veston vert. Dustin Johnson, Rory McIlroy et Justin Thomas sont à 10 contre 1, tandis que Jordan Spieth est à 14 contre 1. De son côté, le vainqueur à trois reprises du Masters et récent champion de la WGC Phil Mickelson est à 16 contre 1, alors que le pauvre vieux Sergio Garcia, détenteur du titre, est au bas de la liste à 30 contre 1.

 

Toute cette attention pour un gars dont le meilleur résultat, cette année, est une égalité au second rang. Imaginez l’explosion médiatique s’il arrive que Tiger gagne encore, et en tournoi majeur de surcroît!

 

C’est peut-être trop, et trop vite.

 

Personne ne s’attendait à grand-chose de la part de Woods quand il a amorcé son plus récent retour au jeu à l’âge vénérable de 42 ans, après une quatrième opération au dos. Il y avait de l’espoir, assurément, mais pas d’optimisme indu. Le Tigre lui-même ne savait pas trop à quoi s’attendre.

 

Le fait est qu’aucun autre athlète n’a jamais subi le genre de chirurgie fusionnelle à laquelle a été soumis Tiger pour ensuite revenir à la compétition, dans quelque sport que ce soit, et livrer une performance comparable au niveau de jeu d’autrefois. Au Championnat Valspar, Woods a inscrit les vitesses d’élan les plus rapides de la semaine et ses coups de départ étaient les plus longs de tous.

 

Les fans adorent ça et à l’évidence, le vieux Tigre est redevenu l’attraction principale du spectacle. Dimanche, à Bay Hill, seulement quelques centaines de personnes suivaient les ébats des meneurs Henrik Stenson et Bryson DeChambeau, comparativement aux milliers qui s’alignaient sur cinq ou six rangs en bordure des allées et des verts pour voir leur idole.

 

Et l’enthousiasme de la foule est différent, aussi. Si le niveau est à peu près le même qu’avant, on sent que les amateurs de golf sont tout simplement heureux de voir leur héros de retour, comme s’il leur avait manqué quelque chose, dans leur vie, et voilà que c’était revenu.

 

Woods a l’air de s’en rendre compte. Il sourit davantage qu’autrefois, il envoie la mai pour saluer la foule et il lui arrive même d’échanger avec les spectateurs. L’ancien Tigre ne faisait pas ça. Mais il semble aussi, parfois, confus ou mal assuré. Quelque chose qu’on n’avait jamais vu chez Woods, non plus.

 

Il avait l’habitude de grogner, de cracher et d’avancer sans lever les yeux vers la galerie. Le Tigre était autoritaire et arrogant. Il avait cette lueur féroce dans le regard quand il posait le pied sur la gorge de son plus proche concurrent et ne lâchait prise qu’une fois son dernier roulé dans la coupe et le trophée entre ses mains. Et même victorieux, il se montrait rarement magnanime.

 

Trop tôt pour dire si ce Tigre plus doux, voire dompté, est là pour rester ou s’il s’agit d’un personnage qu’il s’est fabriqué en attendant de voir comment son corps reconstruit va le servir. Peut-être bien qu’en retrouvant son assurance, il redeviendra le méchant fauve d’avant. Mais les amateurs s’en fichent, ancien Tiger, nouveau Tiger, ils sont excités de le retrouver au jeu, peu importe son tempérament.

 

Les golfeurs professionnels, eux, se disent tous ravis de voir Woods parmi eux. Certains d’entre eux ont déjà joué dans ce film: les Ernie Els, Phil Mickelson, Adam Scott et Justin Rose ont tous affronté Tiger durant leur carrière. Ils ont vu les foules qui le suivaient et vécu la défaite contre lui, mais ils savent aussi qu’ils lui doivent tous ces zéros supplémentaires qui s’ajoutent à leur chèque de paie.

 

Pour les concurrents plus jeunes qui ont grandi en regardant Tiger Woods jouer et qui l’admiraient peut-être, c’est sans doute tout un choc. Quelques-uns, parmi eux, étaient l’attraction n1 depuis plusieurs années. Il y a à peine deux ou trois ans, on était prêt à sacrer Spieth, McIlroy et Day trio régnant du golf. Ils attiraient les foules, obtenaient le temps d’antenne et monopolisaient les médias. Aujourd’hui, quand Tiger joue, ils se trouvent chanceux quand leur propre mère les regarde à la télé.

 

Mais les comparaisons ne veulent rien dire. Dimanche, Johnny Miller parlait de la tentative de Henrik Stenson d’accéder à une 7e victoire sur le PGA TOUR. Tiger, lui, a coiffé trois titres différents au moins aussi souvent. Ses 79 victoires sur le PGA TOUR, 18 titres WGC et 14 majeurs défient l’entendement. Même Mickelson, deuxième derrière Woods dans presque toutes les catégories qui comptent, reconnaît que Tiger est toujours le meilleur, peu importe ce qu’il fait lui-même.

 

Mais la question est de savoir si le Tigre peut continuer de le faire. Il est en quête de deux records importants, malgré les douzaines qu’il détient déjà. Il veut dépasser les 82 victoires de Sam Snead et les 18 titres majeurs de Jack Nicklaus. Avant son dernier purgatoire, ces deux objectifs lui suffisaient.

 

Maintenant, toutefois, il n’en est plus aussi sûr. Il s’inquiète de son corps et ne sait pas s’il peut supporter les rigueurs de cinq, six ou peut-être même dix ans de compétition supplémentaires. Il aime parler de ses deux jeunes enfants, et il veut y parvenir pour eux. Il parle aussi de la sensation exaltante d’être de retour au jeu, de se mesurer aux meilleurs joueurs du moment. Et même s’il ne le dit pas, je sus certain que dans sa tête, il termine la phrase en se disant: «… et d’être capable de les battre.»

Seul le temps dira si c’est possible, mais s’il y a une chose que l’on sait, c’est que le retour de Tiger dépasse de loin toutes les attentes et, malgré tous les autres faits saillants du PGA TOUR, il a démontré qu’il est toujours l’athlète le plus formidable de notre sport.

 

Vivement le Tournoi des Maîtres!

 

Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.