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Retour à Shinnecock Hills

05 JUN 2018

Par Peter Mumford

Le calendrier du PGA TOUR indique qu’il y a un tournoi cette semaine à Memphis, Tennessee: la Classique FedEx St. Jude, mais on n’en parle pas aux bulletins de nouvelles ni dans les blogues ou médias sociaux. On dirait qu’il n’y en a que pour l’U.S. Open qui sera disputé la semaine prochaine au Shinnecock Hills Golf Club de Long Island.

Golf Canada et les gens du marketing chez RBC devraient noter qu’en 2019, le tournoi de Memphis se tiendra à la fin juillet dans le cadre du Circuit WGC, de sorte que la semaine précédant l’Omnium des États-Unis sera libre et l’Omnium canadien RBC est un candidat pour l’occuper. Notre championnat national se trouve depuis longtemps coincé entre l’Omnium britannique et les éliminatoires de la Coupe FedEx, et ce n’est un secret pour personne que les organisateurs et commanditaires préféreraient une date plus attrayante.

On croit en effet qu’un plus grand nombre de vedettes du golf mondial qu’auparavant viendraient au Canada pour se préparer à l’U.S. Open. Mais il faut se méfier de ce qu’on souhaite. Il y a probablement autant de joueurs d’élite qui préfèrent se reposer avant un tournoi majeur. Et puis on a les épreuves de qualification pour l’Omnium des États-Unis, des matchs de 36 trous qui se disputent sur dix sites d’un bout à l’autre des États-Unis le lundi précédant la semaine de championnat. Un grand nombre de joueurs du Circuit de la PGA y participent pour tenter de gagner leur place à l’U.S. Open. Voudront-ils monter au Canada pour une semaine de tournoi épuisante immédiatement avant un championnat majeur? Et quand on pense au peu d’attention qu’attire la Classique St. Jude, malgré son tableau respectable, peut-on penser que l’Omnium canadien RBC se satisferait encore d’une semaine qui passe sous le rader?

Nous ne saurons pas ce qui se trame du côté du calendrier avant quelques semaines, ni si certains changements pourraient influer sur l’Omnium canadien RBC, mais il est évident que l’Omnium des États-Unis porte une ombre immense sur tout ce qui l’entoure.

Mais c’est la nature même d’un majeur. Ces tournois séduisent démesurément les joueurs et les amateurs, tant par leur sens historique que par leur distinction. Le Tournoi des Maîtres, premier de l’année, se joue toujours au même endroit, sur le spectaculaire parcours de l’Augusta National; l’Omnium britannique est le plus ancien, il se tient au Royaume-Uni et affiche le tableau le plus diversifié géographiquement; le Championnat de la PGA, lui, fait place à une vingtaine des pros de clubs des États-Unis. L’U.S. Open se targue pour sa part d’être le meilleur défi posé aux golfeurs et s’affiche comme étant le «plus démocratique», car la moitié du tableau se compose de golfeurs issus de qualifications, ce qui veut dire que techniquement, n’importe qui a la chance d’y jouer.

Bien sûr, ça prend du talent. Chaque année, plus de 9 000 demandes de participation aux qualifications locales sont soumises par des pros et des amateurs affichant un handicap de 1,4 ou mieux. Ces demandeurs, qui proviennent de tous les horizons du golf, s’affrontent dans l’une ou l’autre des 112 épreuves locales et les 500 meilleurs progressent jusqu’aux qualifications par sections, où les rejoignent 450 pros exemptés pour cette étape. À terme, 75 de ces qualifiés se rendront à l’Omnium des États-Unis.

Et une chance de jouer ne donne pas nécessairement une chance de gagner. Même si vous franchissez toutes ces étapes de qualification, une fois sur le terrain de l’U.S. Open, vous devez affronter les meilleurs golfeurs au monde, qui sont arrivés là en vertu de leurs points au classement mondial, de leurs résultats en tournois majeurs et de toutes sortes de critères témoignant de leurs habiletés exceptionnelles.

Seuls six golfeurs ont remporté l’Omnium des États-Unis après s’être qualifiés aux épreuves de sections, le dernier en date étant Lucas Glover, en 2009, au Bethpage State Park.

Cette année, les anciens champions majeurs Adam Scott et Keegan Bradley ont dû se qualifier à ce niveau parce qu’ils ne se classaient pas dans le top 60 et que leurs laissez-passer étaient échus. Ils ont tous deux mérité leur place à Shinnecock Hills, tout comme l’ancien champion WGC Shane Lowry et l’Australien Aaron Baddeley.

Les golfeurs du PGA TOUR n’ont pas l’habitude des qualifications et ils n’aiment pas ça.

«C’est terrible, vraiment terrible, dit Bradley à propos du processus de qualification. C’est humiliant. On est si bien traités sur le grand circuit et on en vient à oublier ce qu’est la vie sur les mini-circuits, même sur le Web.com. Ça nous rappelle à quel point il faut travailler fort pour accéder au PGA TOUR.»

Chez les Canadiens, Mackenzie Hughes et le triple champion mid-amateur canadien Garrett Rank ont survécu à l’éprouvante qualification sur 36 trous et se joindront à Adam Hadwin qui bénéficie d’une exemption.

Certaines années, l’United States Golf Association (USGA), qui administre l’U.S. Open, offre des exemptions spéciales à d’anciens champions qui ne sont plus exemptés en vertu des critères du moment. Ces laissez-passer sont généralement accordés à des golfeurs toujours actifs mais en fin de carrière. Arnold Palmer, Jack Nicklaus, Lee Trevino et Tom Watson ont tous obtenu plusieurs exemptions spéciales. Ironiquement, Retief Goosen, qui a 49 ans et est champion à deux reprises de l’Omnium des États-Unis, dont le dernier à s’être tenu à Shinnecock Hills, n’a pas reçu d’exemption au moment d’écrire ces lignes.

Après cette semaine, il ne reste plus que deux façons d’accéder au tableau de l’Omnium des États-Unis, soit de remplacer un pauvre type qui a dû renoncer à sa place si convoitée, soit d’accumuler assez de points à la Classique FedEx St. Jude pour se hisser dans le top 60 mondial.

Shinnecock Hills est un parcours de légende situé entre les dunes et les manoirs de la pointe Est de Long Island. C’est l’un des cinq clubs fondateurs de l’USGA et son parcours classique signé William Flynn a été le site du plus grand naufrage de l’histoire de l’U.S. Open.

On se souvient des équipes d’entretien arrosant les verts entre chaque groupe de joueurs, en ce dimanche de finale de l’Omnium des États-Unis 2004. Et de Phil Mickelson envoyant à dessein sa balle dans une fosse de sable sur le 7e trou, une courte normale 3, parce qu’il lui aurait été impossible de la faire rester sur le vert. Et de tous ces golfeurs dépités de voir leur balle, après un roulé facile de cinq pieds, dépasser la coupe, franchir la marge du vert et descendre la pente jusqu’à trente pieds plus loin.

L’USGA s’enorgueillit de présenter un parcours «difficile mais équitable» à l’U.S. Open. En 2004, il était pire que difficile et aucunement équitable.

Shinnecock Hills s’étale sur un terrain exposé aux vents de la côte Atlantique et ses verts ont tendance à s’assécher rapidement quand il ne pleut pas. Les surfaces de roulement deviennent alors très rapides, dangereusement rapides. En 2004, l’USGA a insisté pour maintenir une configuration de parcours qui l’a rendu injouable en cette finale du dimanche.

Depuis lors, on a beaucoup critiqué l’USGA pour ses choix d’aménagement ailleurs, aussi. Les verts d’Oakmont étaient absurdement rapides en 2016 et nul n’a oublié la balle qui n’arrêtait pas de rouler de Dustin Johnson. Chambers Bay et Erin Hills étaient trop ouverts, Merion trop court.

En 2012, Bill Coore et Ben Crenshaw ont apporté quelques modifications au terrain de Shinnecock, élargissant quelques allées, ajoutant de nouveaux tertres de départ et agrandissant les verts. Ces changements se sont faits sous la supervision attentive de Mike Davis, directeur exécutif de l’USGA. Il en ressort un parcours plus long de 500 verges et considérablement plus généreux, à partir des tertres, que la configuration terriblement difficile qu’avaient à affronter les compétiteurs en 2004.

Davis était d’avis que Shinnecock serait l’un des meilleurs défis posés aux golfeurs par l’USGA à l’arrivée de l’Open sur ce terrain en 2018. Les évaluateurs du Golf Digest semblent d’accord et ont récemment classé Shinnecock Hills au quatrième rang des meilleurs parcours aux États-Unis, après Pine Valley, Augusta National et Cypress Point.

Cependant, après avoir vu comment les joueurs ont démantelé un Erin Hills sans défense, avec ses allées de 75 verges, l’an passé, Davis s’est demandé s’ils ne feraient pas le même sort à un Shinnecock plus tolérant. Selon le Golf Digest, un appel de l’ancien champion Raymond Floyd (U.S. Open 1986) a renforcé les craintes de Davis: Shinnecock n’est plus le test ultime qu’il a déjà été.

Par conséquent, on a rappelé les ouvriers l’automne dernier et en dix jours, ils ont remplacé cinq acres de pelouses par des étendues de fétuques. Les allées que Coore et Crenshaw avaient élargies à 60-75 verges sont revenues à 41 verges en moyenne. C’est encore bien plus généreux que la moyenne de 26 verges de 2004, mais avec les trous allongés et les zones d’atterrissage réaménagées, Davis est certain que le parcours présentera un excellent défi de précision aux coups de départ.

Ce sur quoi tout le monde semble d’accord, toutefois, est le fait que Shinnecock reste toujours ardu et qu’il n’a rien perdu de ses façons plus ou moins subtiles de débouter le golfeur qui se voit déjà brandir le trophée de l’U.S. Open 2018. Le champion de 1995 Corey Pavin est devenu le suivant d’une longue lignée de joueurs ayant raflé un titre majeur à Greg Norman quand il a claqué sa balle au bois 4 pour la faire atterrir sur le vert du 72e trou et réussir l’oiselet en deux roulés.

Comme le rappelle Pavin, «c’était très Shinnecockien.»

Peu probable qu’on voie un autre coup spectaculaire pour la victoire comme celui de Pavin, et encore plus improbable qu’on assiste à un autre test de survie comme celui de 2004 ou que l’USGA le permette tout simplement. Mais c’est l’Omnium des États-Unis, après tout, et c’est sûr qu’il va s’y passer quelque chose d’excitant.

 

Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.