UN SEUL SUFFIT? PEUT-ÊTRE PAS…
26 SEP 2019
Par Peter Mumford
Les médias golfiques consacrent beaucoup de temps à la question de savoir qui pourrait être le meilleur joueur n’ayant jamais remporté de tournoi majeur.
Ces dernières années, c’est le nom de Colin «Monty» Montgomerie qui trônerait au sommet de cette liste. L’Écossais de 56 ans est passé près du but à maintes occasions, perdant notamment en prolongation à deux reprises et terminant cinq fois deuxième, mais il n’a jamais réussi à hisser le trophée le plus important du moment. Sa déception est peut-être atténuée par ses trois victoires majeures sur le circuit sénior, mais ça, seul son psy le sait avec certitude.
Actuellement, l’absence de titre majeur à leurs faits d’arme est sans doute ressentie le plus douloureusement par le trio de Lee Westwood, Rickie Fowler et Matt Kuchar. Ce ne sont pas exactement des ratés – ils ont tous gagné des millions et connu de belles carrières. Mais ils n’ont jamais remporté le gros lot.
Mais oublions ces aspirants célèbres. Cet article se penche sur le cas des golfeurs qui ont goûté à la victoire majeure une fois et qu’anime la faim d’une autre tranche d’immortalité.
Il y a deux semaines, le champion du Masters 2016 Danny Willett a remporté le Championnat BMW de la PGA, l’un des tournois d’élite du Circuit européen. On n’avait pas beaucoup entendu parler de Willett depuis 2016, lorsque Jordan Spieth avait largué son coup de départ sur le 12e trou d’Augusta dans Rae’s Creek et ainsi permis à l’Anglais de s’envoler avec le veston vert. Il était considéré comme l’un de ces gars qui pourrait se contenter d’une seule victoire majeure, mais avec son plus récent triomphe en Europe, on s’est mis à parler de la possible résurrection de Danny Willett. Pourrait-il gagner un deuxième majeur?
La question se pose, mais pourquoi limiter la discussion au cas Willett? Il y a beaucoup de golfeurs professionnels qui ne détiennent qu’un seul titre majeur. Est-ce que l’un d’entre eux pourrait en ajouter un deuxième à son tableau de chasse? Un bref retour sur les quatre étapes de la carrière de Tiger Woods permet de voir combien difficile est le défi et donne une idée des candidats qui pourraient sortir du peloton.
Avant que Woods n’entre en scène, en 1997, – l’ère d’avant le Tigre – il n’y avait pas de joueurs en compétition sur le Circuit de la PGA qui ne détenaient qu’un seul titre majeur. Deux golfeurs jouaient toujours à un haut niveau sur le Circuit des Champions (Tom Lehman et Corey Pavin), mais la plupart étaient soit à la retraite, soit invités à commenter le jeu dans les émissions de golf (Paul Azinger, Ian Baker-Finch). Aucun n’avait d’espoir réaliste de gagner à nouveau un majeur.
Pendant la montée et la chute de Tiger (1997-2009), 52 tournois majeurs ont été joués. Tiger en a remporté 14, tandis que les habitués de l’exploit Phil Mickelson, Ernie Els, Lee Janzen, Payne Stewart, Retief Goosen, Zach Johnson, Angel Cabrera, Mark O’Meara, Padraig Harrington, Jose Maria Olazabal et Vijay Singh ont coiffé 21 autres titres majeurs. Cela signifie que 17 tournois majeurs ont été remportés par des golfeurs n’ayant que ce seul moment de gloire à afficher sur leur curriculum vitae.
Certains de ces champions majeurs d’un jour sont rendus bien au-delà de leur date de péremption et n’ont pas grand-chance de revenir dans le cercle des vainqueurs (Justin Leonard, David Duval, Mike Weir, Davis Love, David Toms). Ils sont toujours en compétition sur le Circuit des Champions, mais comme Monty, ils devront se contenter d’honneurs séniors.
D’autres sont sortis de scène et personne, sauf quelque journaliste sportif vieillissant du journal de leur ville natale, ne sait où ils sont (Trevor Immelman, Michael Campbell, Geoff Ogilvy, Ben Curtis, Todd Hamilton, Rich Beem, Shaun Micheel et Y.E. Yang). Micheel est souvent ridiculisé pour avoir été l’exemple parfait du gars qui a joué bien au-dessus de ses moyens pour gagner un tournoi majeur – autrement dit, il ne méritait pas son titre. C’est un peu dur, parce qu’à l’époque, il était assez bon pour jouer sur le PGA TOUR. Mais comme on l’a vu, cette victoire a été le point culminant de sa carrière, pas un tremplin vers davantage de titres majeurs ou encore le Temple de la renommée, et elle prouve peut-être qu’il ne s’agissait que d’un coup de chance. Néanmoins, il a un Trophée Wanamaker dans son salon et Monty n’en a pas.
Si vous avez compté, il reste quatre joueurs de l’ère Tiger qui peuvent peut-être encore caresser l’espoir d’une autre victoire majeure: Stewart Cink, Paul Lawrie, Lucas Glover et Jim Furyk. On pourrait cependant dire que Cink et Lawrie ont remporté leurs championnats en raison de l’effondrement «majeur» d’autres joueurs: un Tom Watson de 58 ans à Turnberry lors de l’Omnium britannique de 2009 (Cink) et Jean Van de Velde à Carnoustie pour l’Omnium britannique de 1999 (Lawrie). Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas en capturer un autre – après tout, ils étaient au bon endroit pour ramasser les morceaux quand quelqu’un d’autre a échoué une fois, peut-être peuvent-ils le faire à nouveau. Improbable, mais possible.
Furyk a 49 ans. Bien qu’il ait terminé deuxième au Championnat des Joueurs en 2019 et qu’il ait participé à plusieurs tournois majeurs ces dernières années, la réalité veut qu’il se destine au circuit des aînés. Glover a montré des signes de résurgence à l’approche de son 40e anniversaire, plus tard cette année, mais sa victoire à l’US Open remonte à une dizaine d’années et il n’a rien fait d’autre, depuis, pour nous faire croire que la foudre pourrait tomber à nouveau au même endroit. Malheureusement, tous deux doivent être relégués à la catégorie des improbables quand il est question de gagner un deuxième majeur.
L’ère moderne (2010-2019), également appelée celle du «Retour du Tigre et Retour du Tigre deuxième partie», couvre 40 tournois majeurs. Woods, Mickelson, Zach Johnson et Ernie Els ont remonté le temps pour ajouter un total de 5 trophées à leur collection de trophées, tandis que les jeunes McIlroy, Spieth, Kaymer et Koepka en ont capturé 13 autres. Bubba Watson a trouvé une paire de vestons verts, lui aussi. Pour ceux qui tiennent les comptes, c’est la moitié des majeurs de l’ère moderne remportés par des détenteurs de plus d’un titre.
Et n’oublions pas que deux de ces gars, Brooks Koepka et Rory McIlroy, sont classés 1er et 2e au monde en ce moment et qu’ils sont très susceptibles de gagner quelques (ou plusieurs) autres tournois majeurs avant de prendre leur retraite. Spieth et Kaymer, de leur côté, sont des énigmes pour le moment – encore assez jeunes pour vaincre la planète tout entière, mais peinant à retrouver la forme qui les a menés au sommet il n’y a pas si longtemps. Néanmoins, le quatuor fera une rude concurrence à tous les autres golfeurs en quête d’un deuxième triomphe majeur.
Vingt joueurs ont remporté un seul majeur au cours des vingt dernières années. Pour Darren Clarke, sa victoire à l’Omnium britannique 2011 a été la cerise sur le gâteau, un dernier salut à une carrière illustre. Un seul suffit, pour lui, et c’est très bien comme ça.
Les 19 autres chasseurs de majeurs appartiennent à trois camps: les coups sûrs, les incertains et les improbables.
Les coups sûrs, on les connaît depuis longtemps. La principale question n’est pas de savoir s’ils vont gagner un autre titre majeur, mais plutôt quand. Justin Rose, Adam Scott, Dustin Johnson et Jason Day ont tous mérité l’étiquette de joueurs d’élite à un jeune âge et tout le monde les voit assurés de remporter plus d’un tournoi majeur. Sergio Garcia aussi. Il a porté l’étiquette de meilleur joueur sans titre majeur pendant de nombreuses années avant sa victoire au Tournoi des Maîtres en 2018. Tous ont pris leur temps pour capturer leur premier majeur et on se demande encore pourquoi ils n’en ont pas encore ajouté un second. Chacun est au sommet de sa carrière et les preneurs aux livres les classent toujours parmi les favoris quatre fois par année, soit à chaque tournoi majeur de la saison.
Justin Thomas appartient, lui aussi, à la catégorie des coups sûrs. Avec la plus grande partie de sa carrière encore devant lui, il serait choquant de ne pas le voir rejoindre son copain Jordan Spieth sur le chemin du Temple de la renommée.
Les incertains constituent un groupe hétérogène: Webb Simpson, Louis Oosthuizen, Francesco Molinari, Patrick Reed, Gary Woodland et Shane Lowry. Les deux premiers ont goûté à une victoire majeure il y a quelques années et la plupart des gens pensaient alors que cela se reproduirait rapidement. Les quatre derniers sont titulaires de majeurs plus récents. Tous orbitent dans les hautes sphères du classement et possèdent beaucoup d’expérience sur le Circuit de la PGA, et chacun a le talent pour capturer un deuxième majeur. On ne miserait cependant pas tout ce qu’on a sur un de ces gars-là, mais collectivement, au prix du gros, ils représentent un pari intéressant.
Dans la catégorie des improbables, on retrouve Jason Dufner, Jimmy Walker, Henrik Stenson et Graeme McDowell – des flashs d’espoir au sein de longues périodes d’improductivité. Tous ont atteint la quarantaine et pourraient encore gagner, mais ce c’est très peu probable. En outre, dans cette catégorie, on peut ajouter des golfeurs susceptibles de gagner le prix Shaun Micheel au terme de leur carrière – Charl Schwartzel, Keegan Bradley et Danny Willett, les joueurs qui sont entrés dans nos vies pour un bref moment étincelant, mais qui étaient en réalité de petits besogneux du circuit, pas des étoiles. Bref, plus aucun titre majeur pour ceux-là.
Alors, est-ce que l’un des gagnants d’un seul tournoi majeur répétera bientôt son exploit? Mon intuition me dit qu’au moins deux des titres majeurs de 2020 iront à d’anciens champions comme McIlroy et Koepka. Un autre sera présenté à un premier vainqueur comme Jon Rahm, Patrick Cantlay, Xander Schauffele, Bryson DeChambeau ou Tommy Fleetwood. Malheureusement, les aspirants éternels comme Westwood, Fowler et Kuchar resteront sur le bas-côté avec leurs mines tristes, à regarder passer la parade des majeurs sous leurs yeux, hors de portée.
Et selon mon calcul, il reste un dernier titre majeur pour un récidiviste. Je penche vers l’un des deux Justin – Rose ou Thomas. Ils sont trop bons pour ne pas gagner.
Cela ne veut pas dire que les autres seront relégués à la poubelle de l’histoire. Une victoire majeure est un énorme accomplissement qui distingue le champion de la très grande majorité des golfeurs, et il y en a beaucoup dans le lot à qui il reste encore bien des années pour enfin boire du champagne dans le pichet britannique ou enfiler le veston vert d’Augusta.
Monty serait heureux de pouvoir échanger sa place avec n’importe lequel d’entre eux.
Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag