Menu Bascule

Mes nouvelles

Ramenez-nous le Crosby Clambake

12 FEB 2019

Par Peter Mumford

Ceux qui ont regardé la diffusion du Pro-Am AT&T de Pebble Beach, la semaine dernière, ou les quelques trous de clôture lundi matin devaient se poser la question: «Mais qui est-il donc, ce Don Colleran, pour jouer dans le dernier groupe aux côtés de Paul Casey et Phil Mickelson?»

Réponse rapide: c’est le vice-président exécutif de FedEx et le partenaire amateur de Casey pour la portion pro-am de ce tournoi du PGA TOUR.

Mais la question la plus importante est de savoir ce peut bien ajouter la présence de ce cadre supérieur d’âge mûr, affichant un handicap de 13, à la valeur de divertissement d’une émission télé.

Don est peut-être un gars formidable qui a le sens de l’humour, qui est passionné de bon whisky et de chasse au sanglier, et qui sait raconter des histoires de golf comme nul autre, mais ce n’est certainement pas ce qu’on a pu voir à la télé. Le commentateur n’a cessé de répéter que Don n’était vraiment pas dans son élément au sein du dernier groupe de joueurs, à tâcher de ne pas être dans le chemin des pros se disputant le titre, mais s’efforçant quand même de remporter la partie amateur du tournoi avec Casey.

Ce fut sans doute pour lui une expérience mémorable qu’il se fera un plaisir de partager avec ses copains du club, ses collègues de FedEx et sa famille, mais à part ça, tout le monde s’en balance.

Les pro-ams des temps modernes comptent des milliers de gens comme Don Colleran – des cadres d’entreprise possédant assez d’argent ou disposant d’assez gros comptes de dépenses pour s’afficher en train de jouer une ronde de golf en compagnie d’un professionnel du Circuit de la PGA. Règle générale, la plupart de ces hommes et femmes jouent dans l’anonymat le mercredi précédant le début du tournoi.

Mais le Pro-Am AT&T de Pebble Beach est différent. Les partenaires amateurs y jouent trois jours avec le même pro et les 25 meilleures équipes se qualifient pour la ronde finale du dimanche où ils jouent aux côtés des pros devant une grosse foule sur le terrain et des millions de téléspectateurs à la maison. C’est le summum du rêve golfique et ça peut être assez enivrant pour le commun des mortels.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Le tournoi de Pebble Beach est né d’une sortie amicale entre amis hollywoodiens de Bing Crosby, qui payaient quelques dollars pour jouer au golf avec les pros de circuit. Au fil des ans, le Crosby Clambake a évolué pour devenir l’un des tournois vedettes du calendrier de la PGA, rassemblant des dizaines de célébrités du cinéma, de la télévision, de la scène et d’autres sports.

On ne pouvait y participer que sur invitation personnelle de Bing Crosby. Personne ne pouvait s’acheter une place sur les rangs de départ. L’hôte du tournoi et CBS – qui télédiffusait l’évènement depuis des décennies – voulaient avant tout donner un spectacle. Pour les acteurs, chanteurs et athlètes d’élite, ça leur venait tout naturellement. Même si leur jeu au golf laissait à désirer, ils savaient donner un bon spectacle

Le tableau affichait les noms d’une foule de personnalités connues, dont plusieurs avaient leur propre pro-am de célébrités. Bob Hope, Glen Campbell, Sammy Davis, Andy Williams et Dean Martin avaient suivi leur collègue crooner Bing Crosby dans le monde du golf et prêté leur nom à des escales du Circuit de la PGA. Agissant comme hôtes de leurs propres tournois, ils jouaient aussi à ceux des autres. On pouvait toujours compter sur quelques grandes stars du cinéma, même après leur déclin, et plusieurs jeunes vedettes montantes pour se pointer et donner plus de valeur au divertissement.

L’une des sagas les plus captivantes de cette ère et que l’on a pu suivre durant plusieurs années, fut celle de Jack Lemmon tentant, tournoi après tournoi, de se qualifier. De son propre aveu, le comédien n’était pas bon golfeur, mais il adorait ce sport et y jouait souvent. Pendant 25 ans, Lemmon a essayé de jouer assez bien pour se rendre en finale du dimanche, sans jamais y arriver. Son interview du samedi, habituellement au 17e tertre, était toujours drôle et touchante, mais on sentait sa frustration, aussi.

Le samedi, au Crosby Clambake, on a pu voir d’innombrables moments inoubliables. Les organisateurs du tournoi faisaient en sorte que la plupart des meilleurs golfeurs professionnels et la crème des célébrités se retrouvaient sur le parcours de Pebble Beach ce jour-là, alors que ceux de la liste «B» s’affrontaient sur deux autres parcours. Ainsi, les téléspectateurs avaient droit à un défilé de vedettes, groupe après groupe.

Mais depuis, les choses ont bien changé. Presque tous les pro-ams de célébrités ont disparu et les grandes entreprises ont remplacé les acteurs et chanteurs d’autrefois qui donnaient leur nom à ces évènements. Même les participants amateurs à Pebble Beach ont changé.

On y voit encore des célébrités le samedi, mais on remarque aussi qu’il y a de plus en plus de gens d’affaires inscrits au tableau. Pour chaque Alice Cooper ou Wayne Gretzky, il y a une demi-douzaine de clones de Don Colleran.

Et même les vedettes ne sont plus à la hauteur des amis de Bing. Je ne suis peut-être qu’un vieux grincheux s’ennuyant de l’ancien temps, mais Ray Romano n’est pas, pour moi, une célébrité de grande envergure, et les singeries de Bill Murray sont passées date depuis une bonne dizaine d’années. Si ce sont eux qui font le spectacle, que dire, alors, des amateurs à costume trois-pièces?

Les interviews au 17e trou sont ennuyants au possible. On dirait qu’ils lisent tous le même scénario : «C’est une expérience formidable de jouer à ce tournoi avec ces grands golfeurs. Et Pebble Beach est si spectaculaire!»

Le samedi chez Crosby était pour moi un incontournable à la télé. Plus maintenant. Le terrain de golf est toujours aussi spectaculaire et les pros continuent de donner un bon spectacle, mais je préfère attendre au dimanche pour regarder le golf, tout simplement.

Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.