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Attention au 18e trou!

10 JUL 2018

Par Peter Mumford

L’Omnium britannique revient cette année au Carnoustie Golf Links, en Écosse, pour la première fois depuis 2007, année où Padraig Harrington a défait Sergio Garcia pour remporter sa première victoire majeure.

Mais à la veille du championnat, on parle surtout du passage précédent de l’Open à Carnoustie, lorsque le Français Jean Van de Velde avait littéralement implosé au dernier trou, noyant une avance quasi insurmontable dans les eaux du ruisseau Barry Burn.

C’était en 1999 et Van de Velde était sur le point d’écrire une nouvelle page d’histoire, ce qu’il fit, mais pas comme il s’y attendait quand il est monté sur le 18e tertre avec une avance de trois coups. Le Français n’avait besoin que d’un double bogey pour réclamer le trophée et le premier titre majeur de la France depuis la victoire d’Arnaud Massey à l’Open de 1907.

Van de Velde a pris un moment pour étudier son coup, puis, confiant, il a empoigné son bois de départ et créé la consternation chez les spectateurs.

Le Barry Burn est un ruisseau encaissé et sinueux qui traverse trois fois l’allée du 18e trou. Les golfeurs doivent tenir compte de l’obstacle, à gauche de l’allée, dans la zone d’atterrissage. Ce qui les oblige généralement à viser la droite de l’allée. En 1999, le R&A avait décidé de laisser pousser les fétuques de Carnoustie, transformant le parcours extrêmement difficile en parcours presque impossible. Les allées déjà très étroites avaient l’air plus minces encore, à cause des herbes longues démesurées. Et les fétuques bordant la 18e allée étaient les plus longues et drues de tout le terrain.

Van de Velde a claqué sa balle vers la droite, mais miraculeusement, elle a survolé les fétuques pour atterrir dans l’allée du 17e trou. Le soupir de soulagement a été de courte durée, car le Français a alors choisi de viser le 18e vert directement au fer 2, plutôt que d’essayer de revenir au milieu de la 18e allée.

Il faut reconnaître que Van de Velde a joué un excellent coup d’approche, mais les dieux du golf n’étaient pas de son côté ce jour-là. Sa balle a ricoché sur la rambarde de l’estrade, retraversé le Barry Burn devant le vert pour s’arrêter dans une épaisse touffe de fétuques. À tout autre moment, dans tout autre tournoi, la balle aurait frappé un spectateur pour retomber dans les gradins, ce qui aurait donné à Van de Velde un allègement pour laisser tomber sa balle sur le vert.

Maintenant confronté à un autre coup impossible, le joueur a pris sa troisième mauvaise décision sur ce trou. Au lieu de cocher une sortie latérale vers l’allée, il a encore une fois essayé d’atteindre le vert, mais a raté son coup (3e du trou), envoyant sa balle au fond du ruisseau.

On ne sait pas ce qui se passait dans la tête de Van de Velde à ce moment-là, mais l’on peut croire qu’il était ébranlé. Il sentait peut-être le titre de l’Omnium britannique lui échapper et la panique le gagner. Il avait encore le choix d’accepter un coup de pénalité pour laisser tomber sa balle et jouer un bogey victorieux.

Mais le Français a choisi d’aller à la pêche, retirant ses chaussures et chaussettes, roulant ses pantalons et descendant dans le fossé bordé de murets de pierre pour voir s’il pouvait jouer sa balle. Après l’avoir examinée un long moment et avoir exécuté quelques élans d’exercice, au plus grand bonheur de la galerie, il a fini par déterminer que sa balle était injouable et a choisi le coup de pénalité. Bonne décision, mais peut-être trop tard.

Le coché de Van de Velde a traversé le vert pour aboutir dans une fosse de sable. Son coup de sortie, médiocre, l’a quand même rapproché à 7 pieds du trou pour un roulé réussi, et un triple bogey qui l’a amené à égalité avec l’Écossais Paul Lawrie et l’Américain Justin Leonard.

Lawrie avait débuté la journée à dix coups derrière le meneur français et a su tirer parti de l’excellente ronde qu’il venait de jouer pour remporter la prolongation.

L’Omnium britannique 1999 fut marqué par l’un des plus terribles effondrements de l’histoire des championnats majeurs, une débâcle comparable à celles de Greg Norman au Masters de 1996 et d’Arnold Palmer à l’U.S. Open 1966. On devrait toutefois se souvenir du beau jeu, à ces trois tournois, de Paul Lawrie, Nick Faldo et Billy Casper, respectivement, qui ont tous joué à merveille pour se mettre en position de gagner, au cas où la chance leur en était offerte, ce qui advint.

Carnoustie produit régulièrement des finales aussi imprévisibles que les victimes et les vainqueurs. Et c’est le 18e trou qui semble déterminant dans chaque cas. Tom Watson a remporté le premier de ses cinq titres de l’Open britannique à Carnoustie en 1975, rattrapant en ronde finale son retard de trois coups sur le meneur Bobby Cole d’Afrique du Sud pour finalement défaire l’Australien Jack Newton en prolongation. Avant ça, Johnny Miller avait laissé échapper le pichet de Claret au trou de clôture. Il n’avait besoin que de jouer la normale pour gagner, mais son coup de départ erratique et son incapacité à sortir de la fosse d’allée ont causé sa perte. Miller n’a même pas atteint la prolongation ce jour-là.

L’Open de 1999 a aussi révélé au monde entier le jeune phénomène espagnol de 19 ans Sergio Garcia, que d’aucuns voyaient remporter son premier tournoi majeur à titre de recrue du circuit. Mais après avoir inscrit 83 jeudi et 89 vendredi, l’Espagnol s’est retrouvé en sanglots dans les bras de sa mère, déclarant que Carnoustie était tout simplement trop difficile. Garcia s’en est remis, cependant, et en 2007, il amorçait sa ronde finale avec une avance de trois coups sur Steve Stricker et de six sur Harrington.

Et on ne pourrait dire que Garcia a mal joué, ce dernier jour de l’Open 2007, mais Harrington, lui, était superbe. Encore une fois, l’issue du championnat s’est jouée sur ce redoutable 18e trou. Tout comme Miller, Garcia n’avait besoin que de la normale pour triompher. Son approche a abouti dans une fosse au bord du vert et son coup suivant l’a placé à dix pieds de son premier titre majeur. Mais le roulé a lentement glissé à côté de la coupe et Harrington a aisément gagné la prolongation. Le méchant Carnoustie venait de faire une autre victime.

Étant donné que l’Omnium britannique ne revient sur un même parcours de la rotation qu’après plusieurs années, toutes ces histoires ont le temps de «percoler» dans l’imaginaire golfique pour créer des légendes au prochain retour. Watson, Miller, Harrington, Garcia, Lawrie et surtout Van de Velde font tous partie de l’héritage moderne de Carnoustie, qui s’enrichira d’un nouveau chapitre la semaine prochaine.

Assisterons-nous à une autre de ces étranges finales cette année? Une autre victoire miraculeuse d’un joueur en queue de peloton qui se rattrape ou une autre victime inconsolable du 18e trou?

À moins d’une semaine du championnat, le temps est plutôt sec dans ce coin d’Écosse, et le parcours est ferme et rapide, comme il se doit. Les fétuques seront sèches et plumeuses. Jordan Spieth va tenter de conserver son titre de champion et une pléthore de joueurs vont tâcher de l’en empêcher.

Ironiquement, l’un des principaux aspirants au titre sera le champion du Tournoi des Maîtres 2017 Sergio Garcia, qui a connu des fins assez tragiques aux deux derniers championnats de Carnoustie.

Sera-t-il plus chanceux cette troisième fois?

 

Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.