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GROS DÉFI POUR L’OPEN

10 JUL 2019

La décision de ramener l’Omnium britannique au club Royal Portrush, en Irlande du Nord, pour la première fois en 68 ans a fait des vagues depuis qu’elle a été annoncée. Rien à voir avec le terrain de golf lui-même qui est exigeant, impitoyable et perpétuellement classé parmi les meilleurs au monde.

Par Peter Mumford

Tout le monde est au courant: «Royal Portrush est un monstre.»

Le parcours sauvage et échevelé, niché au cœur des dunes immenses qui bordent le rivage de l’Atlantique Nord, sera l’hôte du 148e Omnium britannique du 18 au 21 juillet. Les gens de la place ne parient pas seulement sur le nombre de balles de golf qui seront perdues dans les hautes herbes enchevêtrées ou au fond des crevasses insondables, mais aussi sur le nombre de joueurs qui s’en sortiront vivants.

Ça peut sembler excessif, mais tout est possible en ce lieu, à quelques pas des ruines du Dunluce Castle, bâti au XVIe siècle et récemment utilisé comme décor pour la série Game of Thrones. Le château trône au sommet d’une falaise escarpée plongeant dans les eaux glaciales de l’océan, quelques centaines de mètres en contrebas, et offre des perspectives à couper le souffle de la côte tourmentée, du terrain de golf et de la petite ville irlandaise de Portrush.

L’Omnium britannique s’est tenu ici une seule fois, en 1951, et c’est l’Anglais Max Faulkner qui a remporté le fameux pichet de vin rouge avec un cumulatif de 285, soit 3 sous la normale. Un seul autre joueur avait terminé le tournoi sous la normale cette fois-là, la météo exécrable et le parcours implacable ayant soumis les golfeurs à des conditions extrêmes auxquelles les sites d’Écosse et d’Angleterre ne les avaient pas habitués. Étrangement, il a fallu plus de 60 ans au R&A pour envisager un retour de son évènement phare à Portrush, et ce sont en grande partie les efforts de trois personnes qui ont permis que cela se fasse.

Graeme McDowell est un golfeur de l’endroit et il a grandi sur les links du Royal Portrush. Lorsqu’il a remporté l’Omnium des États-Unis à Pebble Beach, en 2010, il a déclaré que son plus grand rêve serait de voir l’Omnium britannique revenir sur son parcours d’attache. L’année suivante, Darren Clark triomphait au Royal St. George’s. Cette victoire majeure d’un autre Irlandais du Nord allait raviver les discussions sur un éventuel retour de l’Omnium britannique dans ce pays.

Le R&A est muet à ce propos, comme à bien d’autres sujets, mais tout le monde sait que les «Troubles» (euphémisme qualifiant la situation politique explosive des dernières décennies du XXe siècle en Irlande du Nord) sont à l’origine de cette exclusion de l’île de la rotation de l’Omnium. Pendant plusieurs décennies, à partir de la fin des années soixante, personne n’avait envie d’aller jouer au golf en Irlande du Nord car on ne savait jamais quand un drame allait se produire. Même si le conflit se déroulait à des dizaines de kilomètres de là, dans des villes comme Belfast et Derry, le pays tout entier souffrait, le tourisme et le commerce périclitaient partout.

Et même après la fin des hostilités, l’Irlande du Nord n’était jamais dans la mire du R&A.

Wilma Erskine est secrétaire du Royal Portrush depuis 1984 et est la seule femme au monde à détenir ce titre dans un club «Royal». Ambassadrice infatigable de l’Irlande du Nord, et en particulier de Portrush, elle vantait les mérites de son club pour la tenue d’un grand championnat bien avant les victoires de McDowell et Clark en tournoi majeur.

Exaspérée par l’oubli généralisé dans lequel est reléguée l’Irlande du Nord, Mme Erskine ne cesse de répéter: «Allô! Nous sommes là. C’est l’Irlande du Nord. On a beaucoup souffert par le passé, mais maintenant, nous nous sommes relevés et nous pouvons organiser de beaux évènements.»

Elle a persévéré et a fini par convaincre l’intraitable Peter Dawson, l’ancien dirigeant du R&A. Les réticences de Dawson n’étaient pas seulement politiques: organiser l’Omnium britannique en 2019, c’est bien différent de ce que c’était en 1951. Il connaissait le genre d’infrastructure à installer, les sommes gigantesques à investir et la difficulté de persuader les autres intervenants que c’était faisable de ramener l’Omnium au Royal Portrush.

Wilma a travaillé d’arrache-pied, récoltant l’équivalent de 22 millions de dollars pour améliorer le club et financer les infrastructures. Et elle a gagné à sa cause les personnes qui comptaient. L’on s’attend à ce que l’Omnium britannique 2019 génère des retombées de 100 millions de livres sterling pour la région. Certains disent même que ce sera le plus gros évènement sportif de l’histoire du pays.

Au PGA Merchandise Show, en janvier dernier, j’ai été invité au tournoi de golf de Tourisme Irlande. Ce rassemblement annuel de journalistes, voyagistes, gestionnaires de clubs et fonctionnaires du tourisme commence par une ronde de golf, suivie d’un dîner-conférence. Dans le brouhaha des conversations, il est souvent difficile de comprendre les discours, mais quand l’hôte a présenté Wilma Erskine, elle a eu droit à une ovation. Et pendant tout son exposé, tout le monde s’est tu pour l’écouter. Ils lui sont tous reconnaissants pour ce qu’elle a fait et ils savent que c’est l’Omnium de Wilma.

La ville de Portrush compte 10 000 habitants permanents, 15 000 résidents l’été. Il n’y a pas beaucoup d’hôtels dans la région, ni dans les villes voisines de Portstewart, Bushmills et Coleraine. À l’occasion de l’Omnium britannique, plus de 250 000 visiteurs sont attendus ici pour toute une semaine. La plupart viendront de Belfast en auto ou autocar, à plus d’une heure de route de là. Je ne sais pas où les joueurs, bénévoles et officiels resteront.

Le parcours du Royal Portrush a été légèrement modifié pour accueillir l’Omnium. D’abord construit par Tom Morris l’ancien dans les années 1880, le parcours actuel a été réaménagé dans les années 1930 par Harry Colt (Hamilton Golf Club, Toronto Golf Club). Il se présente comme une succession de tours et détours menant à des trous exigeants dont certains sont exposés à la mer, d’autres nichés au creux des dunes. Les allées étroites serpentent dans tous les sens et le vent influence différemment l’approche de chaque trou. Le Royal Portrush n’est PAS configuré comme les autres links, avec un neuf d’aller et un neuf de retour. C’est un labyrinthe.

Selon bien des observateurs, le score victorieux de 2019 ne sera pas très différent que celui affiché par Max Faulkner il y a 68 ans. Un parcours avec des trous baptisés Tombe du géant, Coin des calamités, et Purgatoire laisse présager de ce qui attend les concurrents. Il y a des endroits d’où il est impossible de s’extirper, comme ces hautes herbes à hauteur de la taille, au-delà des dunes, loin en contrebas des allées, où une balle égarée devient irrémédiablement perdue ou au mieux, injouable.

Deux nouveaux trous (no et no 8) ont été ajoutés pour cet Omnium britannique 2019, et l’on a éliminé les trous 17 et 18. D’après la majorité des analystes, la finale sera encore plus palpitante. L’ancien 18e n’était pas vraiment intéressant comme trou de clôture, de toute façon, et l’emplacement sera réservé aux boutiques et à l’enclos des télédiffuseurs. Le 17e, par contre, comportant l’une des plus grandes fosses de sable au monde, est un site historique de Portrush. Cette fosse surnommée Big Nellie est une immense cavité sablonneuse creusée dans une colline au beau milieu de l’aire d’atterrissage des coups de départ. On a donc aménagé une nouvelle Big Nellie sur le nouveau 7e trou.

Dans l’ensemble, le parcours ne compte pas beaucoup de fosses de sable, à peine 62 en tout, mais cela ne veut pas dire qu’il est plus facile à négocier pour autant. Il y a bien d’autres pièges qui attendent les meilleurs golfeurs au monde la semaine prochaine. Ironiquement, c’est un gars de l’endroit qui détient le record du parcours Royal Portrush. En 2005, Rory McIlroy y a joué une ronde de 61, ce qui était supposément impossible à l’époque et l’est sans doute tout autant maintenant.

Comme il fallait s’y attendre, McIlroy est un ardent défenseur du retour de l’Omnium britannique au Royal Portrush, et pas seulement parce qu’il détient le record du parcours. À la veille de l’évènement, il est à la fois prudent et enthousiaste: «Je vois ça comme l’occasion d’une vie, mais il faut aussi que j’apprécie le moment. Je ne dois pas me mettre trop de pression sur le dos. J’ai déjà fait cette erreur en tournoi et ça m’a nui.»

L’enjeu de cet Omnium est bien plus qu’un simple trophée. La présentation du championnat majeur en Irlande du Nord est aussi un test. Si ça marche, il se pourrait bien que le Royal Portrush devienne une étape permanente de la rotation du tournoi et ce serait un rêve devenu réalité pour Wilma Erskine, Graeme McDowell, Darren Clark et bien d’autres gens.

Et si McIlroy hisse le pichet de vin pour une deuxième fois de sa vie, mais dans sa patrie d’Irlande du Nord cette fois, ce serait l’apothéose. Difficile d’imaginer les célébrations qui s’ensuivraient.

Peter Mumford est le rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.